Miguel Indurain
par Salvatore Lombardo | Mai 5, 2020 | Les champions des champions
Photos : Sirotti
Vincenzo Torriani, le mythique directeur du Giro, l’affirmait à ses visiteurs venus le rencontrer dans son bureau milanais. Il n’avait connu dans sa longue carrière que trois véritables Seigneurs du peloton. Fausto Coppi, Jacques Anquetil et Miguel Indurain. Avec sa haute et puissante stature de Dieu grec, le champion Espagnol demeure l’icône des temps nouveaux du cyclisme. Ses 5 victoires consécutives dans le Tour de France ne font pas tout. Sa personnalité d’athlète néo-classique, son sourire hiératique et sa classe le propulsent au tout premier rang dans la hiérarchie des champions de l’ère moderne.
Le seigneur de Navarre
Ason arrivée dans le peloton professionnel, Miguel Indurain c’est le bon géant sympathique mais impénétrable qui s’impose au groupe sans jamais donner l’impression de forcer. En fait tout lui semble facile. Même cohabiter avec l’incontestable star de son équipe, Pedro Delgado. Même tirer d’interminables bouts droits pour maitriser une course qui s’emballe. Les victoires sont encore rares, mais l’impression de facilité étonne au point de donner l’idée à son manager de contacter le légendaire Professeur Conconi, révolutionnaire entraineur de Francesco Moser, pour le soumettre à ses tests. Les résultats sont à la hauteur des attentes. Pour le Professore, les capacités physiques du jeune Miguelon apparaissent comme illimitée.
Avec ses 28 battements cardiaques par minute, son volume pulmonaire de 8 litres et sa VO2max naturelle de 88, cet Indurain est un surdoué en devenir. Potentiellement capable des plus grands exploits dans les chronos et les courses à étapes. Un seul bémol, son poids.
85 kilos pour 1m86. C’est beaucoup trop lourd. Pour prétendre passer la haute montagne il lui faudra perdre 6 ou 7 kilos.
Saison 1989. Désormais admirablement préparé, Miguel Indurain remporte coup sur coup Paris Nice et le Criterium International. Devançant notamment régulièrement le grand Stephen Roche. Mais il est encore trop tôt pour viser la victoire dans les grands tours. Son poids le handicape dans les longues ascensions où il perd un temps précieux.
Saison 1990. Après un hiver studieux et un régime strict, l’athlète est métamorphosé. Il pointe à seulement 80 kilos. Dans Paris Nice il est souverain. S’imposant pour la seconde année avec une impressionnante image de facilité inéluctable. De quoi lui permettre de seconder efficacement Pedro Delgado sur le Tour. Delgado qui souffre face à LeMond. Obligeant son lieutenant à l’attendre à plusieurs reprises. A Paris LeMond triomphe avec 12 minutes 47 d’avance sur Indurain. Les organisateurs font remarquer que le débours d’Indurain pour l’aide apportée à Delgado est de 12 minutes 50. Ce qui signifie que le jeune champion Espagnol aurait remporté ce Tour de France face à Greg LeMond s’il n’avait pas été contraint d’assister Delgado. Pour parfaire la démonstration, il s’impose en fin de saison dans la Classica San Sebastian.
Avec la saison 1991 vient la confirmation en forme d’avènement. Après plusieurs saisons de maturation, celui que certains observateurs surnomment déjà l’Extraterrestre va remporter son premier Tour de France. Avec la manière, oubliant LeMond dans le long chrono d’Alençon disputé sur 73 kilomètres. Un chrono où il s’impose façon Anquetil, dans un style parfait. Dans les Pyrénées il distance à nouveau LeMond, fait jeu égal avec le nouveau grimpeur italien, Claudio Chiappucci, et s’empare du maillot jaune. Maillot conforté dans le dernier chrono qu’il remporte devant Gianni Bugno.
Miguel Indurain est désormais au sommet. A 27 ans il est devenu le 4ème espagnol à remporter le Tour de France après Federico Bahamontès, Luis Ocana et Pedro Delgado.
La suite va donner raison au professeur Conconi. Miguel Indurain, en une époque riche en champions d’exception, est devenu Le Champion ! Face aux LeMond, Bugno, Chiapucci, Pantani, Jalabert ou Rominger, il impose sa surpuissance, son style et son charisme. Remportant coup sur coup 5 Tours de France. Performance hallucinante assortie d’un doublé Giro-Tour en 1992 et 1993.
Il faut dire que le Navarrais a inauguré une nouvelle vision des choses du cyclisme. Donnant priorité absolue au Tour de France et axant donc systématiquement ses saisons sur le Tour. Avec succès. Avec évidence. Avec en guise de préparation des victoires sur le Dauphiné ou le Midi Libre. Et pour parfaire ses saisons, quelques performances dans les chronos…